Podcast Episode 8 : Marie, son combat depuis plus de 20 ans contre l'anxiété et la dépression

8/11/2021
entraide santé mentale
Quentin
·

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Marie souffre d'anxiété généralisée et de dépression depuis plus de 20 maintenant. De sa première dépression lors de ses études à sa dernière rechute durant le confinement, elle a ainsi vécu six épisodes dépressifs et se confie dans ce podcast sur son cheminement qui l'a menée à accepter son trouble et en parler plus librement

Marie se livre avec authenticité sur son parcours, son entourage, son combat, les personnes qui l'ont accompagnée et nous parle avec justesse du rétablissement et de la notion d'acceptation

Merci Marie pour ce témoignage touchant qui résonnera chez un grand nombre de personnes souffrant d'anxiété et de dépression. 

Mosaik : Bonjour Marie, merci d'accepter de témoigner dans ce podcast et de nous accorder ta confiance. Est-ce que tu peux commencer par te présenter de la façon dont tu souhaites ?

Marie : Oui, je m'appelle Marie, je suis Française d'origine, mais je vis à Montréal depuis près de 20 ans avec ma famille, mon mari et mes trois enfants.

Mosaik : tu as souhaité témoigner à propos d’épisodes dépressifs que tu as pu connaître. Est-ce que tu peux nous raconter comment la dépression est apparue ? Est ce qu'il y a eu un événement particulier et quels ont été les premiers symptômes ?

Marie : Ma première dépression majeure remonte à l'automne 2000. A l'époque, j'étais étudiante au Québec dans une université et à la fin du mois de septembre, j'ai commencé à me sentir vraiment très, très fatiguée. Je n'avais plus trop envie de faire de sorties et j'avais envie de me reposer. On avait une semaine de vacances à l'époque, et j’ai passé beaucoup de temps à dormir. Et après, à la reprise des cours, après les vacances, j'ai commencé à ressentir de l'anxiété par rapport aux cours, par rapport aux différents travaux qu'on avait à remettre. Je commençais vraiment à me sentir très anxieuse par rapport à ça.

Mosaik : D'accord. Et est-ce que tu en a parlé à des proches, à ton entourage ? Quelle a été leur réaction ? Est ce qu'ils ont pu t'aider, par exemple ?

Marie : Au début, je ne savais pas du tout vraiment ce qui m'arrivait. J'avais déjà été stressée dans ma vie auparavant, mais par contre jamais à ce point-là de perdre tous mes moyens, que ce soit pour ou devant un ordinateur à plus arriver à me concentrer. Donc, après peut être deux ou trois semaines à être dans cet état-là, j'en ai parlé à ma sœur qui vit en France pour avoir un petit peu son avis là-dessus. Puis elle, elle m'a dit qu'elle pensait en fait que j'étais en train de faire une dépression parce que j'avais des symptômes de dépression.

Mosaik : D'accord, et du coup, est-ce qu’elle t’a conseiller de consulter un professionnel de santé, par exemple ?

Marie : Oui, elle m’a conseillée d'en parler à l'université, à quelqu'un de confiance dans le fond, pour expliquer un peu comment je me sentais. Donc, je suis allée voir la responsable du programme dans lequel j'étudiais à l’université, qui elle m'a aiguillée vers un psychologue à l'université avec lequel j’ai pu un petit peu me confier. Mais le problème, c'est que les symptômes ne disparaissaient pas et vraiment, ça ne s'arrangeait pas. Donc au final, ma sœur ne sachant pas trop quoi faire comme j'étais loin, elle m'a conseillée d'en parler à mes parents.

Mosaik : D'accord. Et comment ont réagi tes parents ? Avec empathie ? Et ce qu'ils ont pu t’aider justement ?

Marie : Avec empathie, mais aussi beaucoup d'inquiétude parce que j’étais quand même à 6000 km, c'était pas forcément évident. Et en fait, ma mère a décidé de venir me rendre visite, pour me voir en personne et voir si elle pouvait m'aider étant donné la situation. Donc, elle est venue me rendre visite au courant de l'automne, au mois de novembre. Malheureusement, ça ne s'est pas arrangé quand elle était là. Donc là, j'ai consulté un médecin généraliste dans la ville dans laquelle j'étudiais. On a commencé à me donner des anxiolytiques pour calmer les crises d'anxiété.

Et puis, voyant par contre que j'étais vraiment plus du tout capable d'étudier ou même de sortir de chez moi, c'était très compliqué. Moi qui aimais bien voir du monde, mes amis me proposaient des sorties et à peine sortie, j'avais juste une envie, c'était de rentrer me coucher chez moi.

Mosaik : Qu’est ce qui t’a permis d'aller mieux à cette époque ? Qu'est ce qui t'a permis de remonter un peu la pente ?

Marie : On a décidé qu'il fallait que je rentre en France, que je ne pouvais pas terminer la session à l'université. Donc je suis rentrée en France avec eux, avec ma mère pour me rétablir, sachant qu'au mois de janvier, je devais revenir au Québec pour effectuer un stage en entreprise. Donc, à mon retour de France, je suis allée consulter un psychiatre qui, lui, en plus des anxiolytiques, m'a prescrit un traitement d'antidépresseurs. J’ai commencé le traitement, c'est sûr que ça a pas fait effet tout de suite, mais au bout de quelques semaines, j'ai quand même commencé à me sentir mieux.

Mosaik : Et tu es rentrée à ce moment-là au Québec, une fois que tu allais mieux ?

Marie : Alors oui, j'ai passé les fêtes de fin d'année en France et après je suis repartie parce que j'avais vraiment une date prévue de début de stage. J’étais quand même assez en forme pour commencer mon stage. Par contre, en fait, finalement au bout de deux mois de stage, j'ai fait comme une rechute. Je pense qu'au fond, je n'étais pas suffisamment bien rétablie. J'ai voulu me remettre trop rapidement sur les rails, j'ai rechuté à ce moment-là.

Mosaik : Ça a pris quelle forme à ce moment-là justement ? C'était au travail ?

Marie : Oui, en fait, déjà, je faisais un stage dans une entreprise, mais j'étais très peu occupée. Donc c'est sûr que ce n'était pas très bon pour le moral. C’est l'anxiété qui est revenue, le matin et au réveil, ou des grosses crises d'anxiété à l'idée de me rendre là-bas. Une fois là-bas, c'était très difficile pour moi de fonctionner normalement. J'ai essayé de le cacher. Et puis, à un moment donné, la personne qui était responsable de mon stage s'est bien rendue compte que ça n'allait pas du tout. Et elle est venue me voir en me disant « Je vois bien qu'il y a quelque chose qui ne va pas, tu fais un burn-out.».

Mosaik : J'imagine que tu as arrêté ce stage et que tu es rentrée en France à nouveau ?

Marie : Oui, je l’ai arrêté plus tôt que prévu. Là aussi, ils ont été très compréhensifs dans l'entreprise dans laquelle j'étais. L'université aussi. Ils ont expliqué la situation. Ils ont accepté de me valider mon stage, même si j'avais terminé plus tôt. Et donc là, je suis rentrée, c'était le printemps 2001, en France pour vraiment prendre le temps de me rétablir avant d'enchaîner sur autre chose.

Mosaik : Et justement, comment tu as réussi à aller mieux à ce moment-là suite à ce stage ? Tu es rentrée en France ? Tu t'es reposée ? Est ce qu'il y a eu des facteurs qui t'ont aidée à aller mieux et à sortir de cet épisode dépressif ?

Marie : Oui, déjà, je suis retourné voir le psychiatre que j'avais vu pendant les fêtes pour faire un suivi avec lui et lui expliquer que j'avais fait une rechute. Je pense qu'à l'époque, il a dû faire un ajustement dans mon traitement. Et puis là, j'ai décidé de prendre le temps parce qu'à Noël, j'avais comme six semaines pour me remettre sur pied. Donc j'avais comme un stress de dire il faut absolument que j'aille bien début janvier pour repartir, pour être opérationnelle. Alors que là, il y a l’été qui arrivait, j'avais quand même plusieurs mois devant moi pour me remettre en forme. Et le fait de ne pas avoir ce stress de me dire « il faut absolument que j'aille mieux ». Je pense que ça a beaucoup contribué, ça m'a permis de lâcher prise. J'étais entourée de ma famille, de mes amis aussi et ça a beaucoup contribué à ce que j'arrive à remonter la pente.

Mosaik : C’était il y a presque 20 ans de ce que je comprends. Est-ce que depuis, tu as connu d'autres épisodes dépressifs qu'on pourrait qualifier de rechute ?

Marie : Oui, pendant six ans, ça a très bien été et puis, à l'automne 2006, j'ai fait une rechute dans un contexte de travail également, dans un milieu très, très stressant, sous pression. Moi, j'ai un côté très perfectionniste. À la base, je fais quand même pas mal d'anxiété de performance et donc je suis très exigeante avec moi-même. Donc là, dans un milieu très stressant avec des délais serrés à respecter, je me suis écroulée de nouveau. Par contre, vu que j'étais déjà passée par là, j'ai bien reconnu les symptômes de la dépression. J’étais moins prise au dépourvu que la première fois, j'en ai même parlé à mon mari en lui disant « je sais ce qui se passe, je sais que c'est en train de revenir ». J’ai été plus proactive en reconnaissant les symptômes. Je suis allée consulter un médecin qui m’a conseillée un psychiatre que j'ai rencontré à ce moment-là et qui me suit d'ailleurs depuis. Je suis contente de pouvoir compter sur lui.

Mosaik : Une personne de confiance. Comment ce psychiatre a pu t’aider ? Qu'est-ce qu'il t’a apporté ?

Marie : Déjà, il m'a demandé si j'avais déjà eu des épisodes dépressifs. Je lui ai dit que oui, j'avais déjà fait une dépression majeure. Évidemment, il m'a demandé quel traitement j'avais suivi à l'époque. Puis il m'a posé aussi des questions à savoir s'il y avait des antécédents de problèmes de santé mentale dans ma famille. A l’époque, je n'étais pas forcément au courant, mais quand j'ai posé la question à mes parents, j'ai appris que ma grand-mère souffrait d'un trouble bipolaire. On sait que dans ces cas-là, il peut y avoir des facteurs héréditaires. Et c'est vrai que c'est quelque chose dont je n'étais pas au courant à l'époque, parce que c'est quand même un sujet assez tabou dans ma famille les problèmes de santé mentale.

Mosaik : Et ça a été la seule rechute ou depuis, tu as connu d’autres épisodes dépressifs ?

Marie : Si, malheureusement, j’ai connu plusieurs autres épisodes de dépression majeure. Mais à chaque fois, avec le recul, à chaque fois, chaque nouvel épisode m'a apporté quelque chose, même si c'est difficile de s'en rendre compte quand on est dedans. C'est plutôt à posteriori qu'on s'en rend compte et ça m'a permis d'avancer dans mon cheminement, d'en apprendre plus sur moi. Parallèlement au traitement par des médicaments, je suis une psychothérapie depuis très longtemps aussi donc, ça m'a permis de découvrir plein de choses et d'apprendre, de comprendre un peu pourquoi j'étais sujette à cette dépression majeure. Plus particulièrement, ma dernière dépression que j'ai faite à l'automne 2003, alors que ça faisait six ans que j'étais dans le fond rétablie. Là, je me suis rendu compte que finalement, ça pouvait revenir à n'importe quel moment. Même si je le savais, ça a été quand même difficile à accepter après six ans de faire une rechute. C’est ça qui m'a permis finalement de passer par un cheminement justement d'acceptation, parce que je me suis dit « là c’est revenu ça se peut que ça revienne encore donc, je peux pas faire comme si ça n'existait pas et je n’avais pas cette prédisposition. »

Mosaik : Cette prise de conscience, elle a mené à quoi ? Est-ce que, justement, c'est quelque chose que tu essaies d'appliquer au jour le jour ?

Marie : La prise de conscience, ça a été d'abord l'acceptation, donc accepter vraiment que j’ai un trouble de l'humeur, un trouble de dépression majeure et aussi un trouble d'anxiété généralisée. Et le fait de l'accepter, ça m'a aidé aussi à m'ouvrir et à en parler plus facilement. Parce que c'est sûr que la santé mentale, c'est un sujet qui me tient à cœur depuis de nombreuses années au niveau personnel. Mais à part mon entourage proche, je n'ai jamais parlé de vraiment de ça. Par exemple dans un contexte professionnel, parce que j'avais trop peur que ça me nuise, parce qu'on sait qu'il y a encore beaucoup de tabous, de stigmatisation. Donc là, je me suis dit « C'est le temps que je commence à en parler, que je commence à m'ouvrir et pour que, justement, finalement, je contribue à lutter contre les tabous, les préjugés. Parce que moi-même vivant avec des problèmes de santé mentale, si ce n'est pas moi qui participe à cette libération de la parole ou des gens comme moi, on risque pas d'avancer vraiment. » C'est ça, vraiment, la prise de conscience que j'ai faite à ce niveau-là.

Mosaik : Et tu souhaitais justement plus spécifiquement nous parler du rétablissement ?

Marie : En essayant de m'ouvrir, de parler plus ouvertement de mes problèmes de santé mentale, ça m'a donné envie de me pencher sur la question de façon plus « professionnelle ». C'est à dire que j'ai commencé à lire des ouvrages, notamment, qui parlent de rétablissement en santé mentale. C’est pas quelque chose avec lequel j'étais familière auparavant. Je savais qu'on ne guérit pas d'un problème de santé mentale, mais se rétablir, c'était quelque chose qui est très important dans le processus par lequel on passe quand on a des problèmes de santé mentale. C'est à dire que même si on passe par plusieurs épisodes dépressifs ou des épisodes psychotiques, à chaque fois comme j'expliquais, on en retire quelque chose. Et après ça, on retourne pas où on était avant. Donc il y a une espèce d'évolution qui se fait, un cheminement et c'est ça le rétablissement. C'est être capable aussi de prendre en compte ce qu'on a vécu pour que ça puisse nous amener vers autre chose qui peut être un peu l'inconnu effectivement. Et il faut savoir que dans un processus de rétablissement, il peut y avoir des rechutes. Donc ce n'est pas parce qu'on fait une rechute qu'on n'est pas rétabli, mais c'est juste qu'on chemine. Et en fait, c'est la notion d'empowerment aussi, donc le concept de s'approprier un peu rétablissement et d'être un peu responsable de son cheminement.

Mosaik : OK, merci beaucoup pour ce message positif. Et justement, est ce que tu aurais un conseil pour les personnes qui aujourd'hui traversent une dépression, connaissent un épisode dépressif? Est-ce qu’il y a quelque chose que tu souhaiterais leur dire ?

Marie : D'abord, oui, je voudrais dire que il ne faut pas perdre espoir. Je sais que quand on est dedans, c'est vraiment difficile de penser que ça va aller mieux. Mais la vérité, c'est que oui, ça va aller mieux. Le problème, c'est qu'on ne sait pas dans combien de temps. Donc, par exemple, quand j'ai fait ma dernière dépression, il y a un an, je savais que j'irai mieux à un moment parce que ce n'est pas la première fois que je passais au travers de ça. Le plus difficile, c'était de ne pas savoir quand est-ce que ça irait mieux. Parce que j'avais tellement mal que je me voyais pas non plus être dans cet état pendant des mois et des mois. Donc, voilà, ce que je veux dire aux gens, c'est qu'il faut garder espoir. Et puis, si c'est la première fois qu'on traverse ça, si on sent que on a certains symptômes, comme de la fatigue, de l’irritabilité, des problèmes d'insomnie, de l'anxiété, il ne faut pas hésiter à en parler autour de soi, aller consulter des professionnels parce que c'est quand même important d'avoir une prise en charge, que ce soit avec des médicaments ou pas, parce qu'on peut très bien se sortir d'une dépression sans médicaments. Mais le principal, c'est de se faire accompagner par des gens et de garder tout ça pour soi, justement parce qu'après, ça devient très lourd à porter et ça aide pas.

Mosaik : merci beaucoup Marie. Un grand merci pour ta confiance encore une fois et pour avoir accepté de témoigner. C'est la fin de ce podcast. On te remercie énormément.

Marie : Merci à toi, Quentin.

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